La Reine scandaleuse : Idées reçues sur Marie-Antoinette

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«Marie-Antoinette d'Autriche est la femme du roi, et rien de plus.» Si le révolutionnaire Camille Desmoulins rappelle dans ses articles que, d'après la loi salique aucun pouvoir n'est reconnu à la femme du roi, Marie-Antoinette ne fut pas, loin de là, l'épouse vivant dans l'ombre de son mari. Au contraire. Marie-Antoinette n'est pas une «Madame Louis XIV» ou une reine polonaise, femme de Louis XV, qui ont, elles, vécu recluses dans leurs appartements, réfugiées dans la piété, pour fuir, résignées, les souffrances et les humiliations de leur condition. La simple évocation du nom de Marie-Antoinette mobilise un savoir répandu, généralement connu : la reine guillotinée, l'Autrichienne, la femme coquette jouant paraît-il à la bergère dans son domaine de Trianon et au Hameau, l'épouse insatisfaite, la mère attentive et moderne, la femme dépensière qui aurait vidé les caisses de l'État, la reine martyre et victime de la Révolution, etc. Marie-Antoinette accumule de façon exceptionnelle les «idées reçues». Elle est une reine, et une femme, qui a fait naître les fantasmes les plus improbables auprès de ses contemporains comme des siècles qui suivront.

Incarnant un XVIIIe siècle parfaitement idéalisé et de ce fait assez mièvre, Marie-Antoinette, trajectoire féminine et royale peu commune dans l'Histoire, suscite depuis au moins le XIXe siècle, de nombreuses écritures et réécritures historiques au point de créer une mémoire sans cesse renouvelée. Les historiens commencent seulement à faire de Marie-Antoinette un objet historique, certes difficile à dépassionner. L'historien ne peut plus faire fi des différentes formes de la «marie-antoinettomania» : kaléidoscope aux facettes inépuisables, Marie-Antoinette déborde des cadres de pensée de l'Histoire. Si la reine n'avait pas été guillotinée, serait-elle encore si présente dans la mémoire collective ? S'il n'est pas, a priori, possible de faire de l'histoire avec des si, Marie-Antoinette, la dernière reine de France, serait probablement, comme la plupart des reines de l'ancien régime, et du Moyen Âge, remisée dans les oubliettes de l'Histoire .

Chaque époque, avec ses propres sensibilités, a créé une Marie-Antoinette qui est, en quelque sorte, un miroir de la société, de ses affects et de la place qu'elle accorde aux femmes dans l'espace public. Pourtant, les historiens de la Révolution française ont, jusqu'à une date très récente, volontairement occulté la présence de la reine sur la scène politique révolutionnaire, incarnant seulement une Contre-Révolution impuissante à faire face à la vague révolutionnaire. Les mêmes historiens de la Révolution n'auraient-ils pas oublié que la reine fut profondément haïe de la Contre-Révolution et de toute une historiographie ultra-royaliste qui lui imputent la chute de la monarchie, et, implicitement, par sa politique personnelle paraît-il menée à l'insu de son époux, la mise à mort juridique du roi, inédite dans l'histoire de France ?
Les idées reçues traitées dans ce livre ne prétendent pas à l'exhaustivité. Marie-Antoinette est un répertoire sans fin d'idées reçues tant les créateurs qu'ils soient cinéastes, romanciers, stylistes, peintres, musiciens, pâtissiers, spécialistes de jeux vidéo, proposent leur propre interprétation du caractère et du rôle joué ou non par la reine, autant de relectures d'un passé complexe, superbe, celui de la fin de l'ancien régime et de la Révolution française.