Il s’agit des poèmes de Ts’ao Ts’ao *, général et politicien chinois. Cet homme étonnant qui, simple chef de bande à ses débuts, sut se tailler dans la Chine disloquée et troublée de la fin des Han ** un vaste empire, et momentanément du moins, à unifier le pays sous son pouvoir ; cet homme étonnant, dis-je, trouva parmi ses soucis d’État et de guerre suffisamment de loisirs pour composer des poèmes. Aussi, les biographes nous le représentent-ils assis à dos de cheval, « la longue lance en travers de sa selle » ***, buvant du vin et improvisant des vers inébranlables, pleins d’énergie mâle et de force héroïque :
« Du vieux coursier, couché dans l’écurie,
L’idéal se situe à mille “li”
[c’est-à-dire sur un champ de bataille lointain].
Quand le héros touche au soir de la vie,
Son cœur vaillant n’a pas fini de battre » ****.
Cependant, élevé au poste de premier ministre, Ts’ao Ts’ao ne travailla désormais qu’à se faire des protégés, en embauchant ceux qui lui paraissaient dévoués à ses intérêts, et en destituant quiconque n’adhérait pas aveuglément à toutes ses volontés. Son ambition finit par éteindre en lui ses belles qualités. « Il avait délivré son [Empereur] d’un tyran qui le persécutait ; mais ce fut pour le faire gémir sous une autre tyrannie, moins cruelle sans doute, mais qui n’en était pas moins réelle », dit le père Joseph Amiot *****. « Il devint fourbe, vindicatif, cruel, perfide, et ne garda pas même l’extérieur de ce qu’on appelait ses anciennes vertus. » Ts’ao Ts’ao mourut en 220 ap. J.-C., en emportant avec lui la haine d’une nation, dont il aurait pu être l’idole, s’il s’était contenté d’être le premier des sujets de son légitime Souverain. Peu de temps auparavant, il avait associé son fils dans le ministère, et il l’avait nommé son successeur dans la principauté de Ouei ; celui-ci donna à Ts’ao Ts’ao, son père, le titre posthume de « Ouei-ou-ti » ****** .
Il n’existe pas moins de cinq traductions françaises des poèmes, mais s’il fallait n’en choisir qu’une seule, je choisirais celle de M. Jean-Pierre Diény.
* En chinois 曹操. Parfois transcrit Cao Cao. ◊
** De l’an 206 à l’an 220. ◊
*** En chinois 橫槊賦詩. ◊
**** p. 152. ◊
***** « Ouei-ou-ti, ministre », p. 105. ◊
****** En chinois 魏武帝. Parfois transcrit « Wei-wu-di ». ◊
******* Une tradition chinoise attribue l’invention du vin à Du Kang, qui n’est autre que l’empereur Shao Kang . ◊
Il s’agit des poèmes de Ts’ao Ts’ao *, général et politicien chinois. Cet homme étonnant qui, simple chef de bande à ses débuts, sut se tailler dans la Chine disloquée et troublée de la fin des Han ** un vaste empire, et momentanément du moins, à unifier le pays sous son pouvoir ; cet homme étonnant, dis-je, trouva parmi ses soucis d’État et de guerre suffisamment de loisirs pour composer des poèmes. Aussi, les biographes nous le représentent-ils assis à dos de cheval, « la longue lance en travers de sa selle » ***, buvant du vin et improvisant des vers inébranlables, pleins d’énergie mâle et de force héroïque :
« Du vieux coursier, couché dans l’écurie,
L’idéal se situe à mille “li”
[c’est-à-dire sur un champ de bataille lointain].
Quand le héros touche au soir de la vie,
Son cœur vaillant n’a pas fini de battre » ****.
Cependant, élevé au poste de premier ministre, Ts’ao Ts’ao ne travailla désormais qu’à se faire des protégés, en embauchant ceux qui lui paraissaient dévoués à ses intérêts, et en destituant quiconque n’adhérait pas aveuglément à toutes ses volontés. Son ambition finit par éteindre en lui ses belles qualités. « Il avait délivré son [Empereur] d’un tyran qui le persécutait ; mais ce fut pour le faire gémir sous une autre tyrannie, moins cruelle sans doute, mais qui n’en était pas moins réelle », dit le père Joseph Amiot *****. « Il devint fourbe, vindicatif, cruel, perfide, et ne garda pas même l’extérieur de ce qu’on appelait ses anciennes vertus. » Ts’ao Ts’ao mourut en 220 ap. J.-C., en emportant avec lui la haine d’une nation, dont il aurait pu être l’idole, s’il s’était contenté d’être le premier des sujets de son légitime Souverain. Peu de temps auparavant, il avait associé son fils dans le ministère, et il l’avait nommé son successeur dans la principauté de Ouei ; celui-ci donna à Ts’ao Ts’ao, son père, le titre posthume de « Ouei-ou-ti » ****** .
Il n’existe pas moins de cinq traductions françaises des poèmes, mais s’il fallait n’en choisir qu’une seule, je choisirais celle de M. Jean-Pierre Diény.
* En chinois 曹操. Parfois transcrit Cao Cao. ◊
** De l’an 206 à l’an 220. ◊
*** En chinois 橫槊賦詩. ◊
**** p. 152. ◊
***** « Ouei-ou-ti, ministre », p. 105. ◊
****** En chinois 魏武帝. Parfois transcrit « Wei-wu-di ». ◊
******* Une tradition chinoise attribue l’invention du vin à Du Kang, qui n’est autre que l’empereur Shao Kang . ◊